Tordre le cou de ses fournisseurs et de ses sous-traitants : Vieille recette, coup de génie ou fausse bonne idée ? Quelles alternatives en période COVID ?
On nous refait le coup à chaque fois.. A chaque fois cela marche …Des bonimenteurs des Achats nous ressortent la même chanson …
Tordre le cou de ses fournisseurs : OK ! Mais après on fait comment quand ils sont morts ? On les remplace par qui ? On en en trouve d’autres ? OK mai où ? En Chine ? Aux Etats Unis ? Au Brésil ? En Russie ? En Turquie ? Pour ne citer que quelques grands pays qui se sont « raidis » au cours des derniers mois avec le COVID mais pas seulement. On supprime un sous-traitant ? On le remplace par qui ? Pas évident …On sait ce que l’on perd, on ne sait pas ce que l’on trouve…
Et puis il n’y a pas que le Covid et les tensions sur le commerce international qui nous bloquent et nous limitent dans nos choix de sous-traitance …
Il y a aussi la Loi SAPIN II.
Avant on ne payait pas ses fournisseurs dans les délais …Sport national…Pas vu, pas pris …comme on dit …
Aujourd’hui les plafonds des amendes administratives infligées par la DGCCRF peuvent aller jusqu’à 2 Millions voire 4 Millions en cas de manquement aux règles sur les délais de paiement. Sans compter la mauvaise publicité (le fameux name and shame). Pour l’année 2018, 2700 contrôles ont été effectués pour 377 amendes et un total de 29 Millions d’Euros d’amendes. Tous les secteurs d’activités ont été impactés : EDF, SFR, Ciments Calcia, une filiale de Getlink (tunnel sous la Manche), une filiale de Covéa (Assurances)…Personne n’est à l’abri…
Sans compter les commissaires aux comptes qui veillent au grain… et désormais regardent les délais de paiement dans les détails. Cela fait partie de leur mission de certification des comptes et de leur devoir d’alerte …
Si l’on ne peut plus comme avant tordre le coup de ses fournisseurs et de ses sous-traitants, où trouver des marges de manœuvre ?
La période que nous venons de vivre plaide pour un ordre de priorité inversé. Si beaucoup d’entreprises constatent des trous d’air dans leurs carnets de commandes, beaucoup d’autres ont déjà rattrapé les retards et surperforment. Le principal risque dans ce cas ce n’est pas le cash mais un risque d’exécution. Se retrouver avec des commandes que l’on ne peut pas livrer faute de matières premières, de produits ou de pièces détachées ou de personnel.
Une étude récente menée par Objectif CASH pendant et après le confinement a mis en évidence que les Directeurs Financiers d’ETI et de groupes, de leurs propres aveux, considéraient ne pas passer assez de temps à surveiller la solidité financière de leurs fournisseurs stratégiques…A ne pas assez discuter avec les responsables de ces fournisseurs sur les évolutions des pratiques dans leur écosystème. Pour mémoire il y a de très fortes chances que vos fournisseurs stratégiques soient aussi les fournisseurs stratégiques de vos concurrents…. « C’est un peu comme sur l’autoroute, on regarde devant (on a raison) mais les accidents arrivent souvent de l’arrière (on ne regarde jamais assez dans son rétroviseur…) » nous a déclaré le DG Finance d’une ETI de 800 Millions d’Euros de chiffre d’affaires.
Si l’heure est plus à « cocooner » ses fournisseurs qu’à les « maltraiter » ….
Quelles solutions pour les DAF et les Directeurs des Achats ?
Aller voir un fournisseur pour lui dire qu’on le paiera à plus de 60 jours est illégal en France (cf Loi LME).
Aller le voir pour lui dire ce n’est plus 30 jours mais 60 jours est possible.
A minima trois solutions ou réponses possibles
- Le fournisseur n’a pas d’autre choix…il accepte vos nouvelles conditions sous la contrainte. Vous le fragilisez encore un peu plus …au risque de vous fragiliser vous-même à un moment. Effet boomerang ?
- Le fournisseurs dit non ; vous avez votre réponse
- Le fournisseur répond « J’ai quoi en échange ? »
Qu’est qui a de la valeur aux yeux des fournisseurs aujourd’hui ? Et des entreprises en général ?
- De la visibilité sur le niveau des commandes
- Des Plans à moyen terme
- Des garanties sur les volumes de 2021
Qui raisonnablement peut s’engager sur des volumes de commandes en 2021 ?
- Personne ou pas grand monde …
Nous discutions il y a quelques jours avec un Directeur Financier dans le transport aérien. Selon les dernières études on parle de refaire les volumes du trafic aérien de 2019 seulement en …2023. Comment on fait d’ici là ?
Si donner de la visibilité à son fournisseur n’est pas possible compte tenu des circonstances que reste-t-il dans la palette des actions possibles pour les Directeurs Financiers et les Directeurs des Achats ?
Si la visibilité manque, il reste toujours la possibilité de réduire le nombre de fournisseurs afin de redonner du volume à certains au détriment de certains autres …en échange de meilleurs prix ou meilleurs délais de paiement…
Trois exemples de missions menées récemment par Objectif CASH dans ce domaine :
- Groupe industriel : 8 pays dont 3 principaux / 3000 Fournisseurs de production et 1 400 Fournisseurs hors production => Objectif : réduire en 18 mois le nombre de fournisseurs de 3 000 à 2 600 (production) et de 1 400 à 800 (hors production)…
- Groupe de services : 12 pays dont 5 en démarrage : 700 Fournisseurs (hors notes de frais) recensés => réduire de 700 à 450 le nombre de fournisseurs en 12 mois …et ne plus tolérer aucun achat supérieur à 50 Euros par note de frais …
- ETI : 14 banques / 6 pays => même raisonnement => à l’occasion de la mise en place qu’un cash pooling, l’objectif est de réduire à 6 banques en 6 mois ; passer de 1050 comptes bancaires gérés à 400/420 dans un 1er temps
Objectif : Mener ces transformations sans ruptures ; incidemment supprimer de la complexité dans les comptabilités fournisseurs et les services trésorerie. Le faire dans la joie et dans la bonne humeur. Ce qui nécessite de beaucoup discuter, discuter, discuter …pour mieux coordonner le central et le local…
Le management c’est souvent répéter, répéter, répéter …
Les managers de transition savent le faire …
L’équipe d’Objectif CASH